Coup d’oeil dans le rétro, épisode 2/12
La FFMC 89 de 1979 à 1984, la saga racontée par Philippe Bernard
En 1979 la France est giscardienne, donc « anti-jeune » pour encore deux années. Les pays de l’OPEP augmentent le prix du pétrole de 20 %. Tout n’est pas pour le mieux dans le monde des motards, jeune, justement, et, en plus, friands de ce liquide magique qui permet de faire rouler les motos.
Dans ce contexte, et ça tombe mal, la mise en place d’un nouveau permis moto est imaginée pour favoriser l’industrie nationale, incapable de construire mieux que des cyclomoteurs (Peugeot et Motobécane). Le gouvernement instaure une nouvelle catégorie 80 cm3 et en profite, sur son élan, pour proposer à l’Assemblée une vignette pour les motos de plus de 500 cm3. Ces deux nouveautés sont plutôt mal ressenties.
L’antenne départementale du mouvement motard (on ne dit pas encore « FFMC 89 ») est créée en été 1979 par Henry PANTIGA (SENS). C’est une des toutes premières antennes départementales en France. Henry est le président de l’AMY (Association Motocycliste de l’Yonne).
A l’époque beaucoup de motards sont regroupés en moto clubs « pirates » (ils rejettent la tutelle de la FFM, Fédération Française de Motocyclisme, jugée trop conservatrice). Au sein de l’AMY on trouve également Maurice LUAULT, un vétéran qui a présidé aux destinées de l’AMY avant Henry.
Ce sont ces motos clubs qui fédèrent, à l’origine, l’élan de protestation contre la vignette, le nouveau permis de conduire et les tarifs élevés des assurances.
Dans l’Yonne ces clubs sont nombreux. On peut citer : le MC « les Taupes » (Auxerre), le MC « Les Bidons » (Sens), président : Jack BOURAND, le MC « Les Requins » (Coulanges sur Yonne), le MC « Les Aligotés » (Saint Florentin), L’AMY (Sens), le MC de la MJC de Sens, le MC Avallon.
A ces groupes constitués se joignent de nombreux « indépendants ». Parmi eux : Philippe et Chantal BERNARD et bien d’autres qui se reconnaîtront sur les photos.
Si nous insistons sur les noms de Riton, Momo, Père Jack et Phil, c’est parce qu’ils vont constituer, pendant 4 ans, le bureau qui animera le mouvement motard dans l’Yonne, la « bande des quatre ».
NOTA : le monde des motards utilise les pseudonymes de tous temps. Encore aujourd’hui on trouve des « Pompe à Graisse », « Corbeau », « Tête à Foin »... Ces appellations sont tellement contrôlées dans le milieu de la moto que, bien souvent, dans ce petit monde, personne ne connaît plus les prénoms et noms des individus concernés !
Manifestation à Auxerre, 29 septembre 79
Des organisations surgies de nulle part comme « SOS Moto Survie » ou l’ « AMI » (Association des motards Indépendants) ou l’ « ADIM » ( Association de Défense des Intérêts des Motards) relayées par la presse spécialisée et, plus particulièrement par « Moto Journal », tentent d’orchestrer un mouvement de fond, complètement spontané, qui conduit, le 29 septembre 1979, à une journée nationale de protestation qui marque le début « officiel » de la revendication des motards de France.
NOTA : en 1979 il règne encore un esprit « mai 68 » dans la rédaction de l’hebdomadaire « Moto Journal ». Fenouil, Guido BETTIOL (« Guidon Bestiole » !), Fred TRAN DUC, etc. attisent le mouvement de revendication dans les colonnes de ce « Moto Canard » dont la devise est « Faut pas mollir ! » et où les lecteurs communiquent entre eux via les « Magic Puces ».
Curieusement les autres périodiques motards se tiennent prudemment à l’écart : Moto Revue est une institution historique, conservatrice et...attentiste, Le Monde de la Moto reste très boy-scout et refuse de se mouiller (en fait, on le saura plus tard, DUPRE, le propriétaire, ne songe qu’à « faire son beurre ».)...
A l’appel des motos clubs locaux, les motards de l’Yonne sont invités à venir manifester, ce jour-là, dans les rues d’Auxerre.
Les organisateurs d’évènements moto (moto clubs, gendarmerie...) annulent ou reportent leurs réunions, rallyes ou journées portes ouvertes prévus ce jour-là. Ils laissent la place à la revendication.
A Auxerre c’est Henry PANTIGA, dit « Riton », donc, qui mène la manifestation. Les motards sont invités à laisser leurs machines à la gare routière pour que le défilé se fasse à pieds dans le centre ville.
Le top de l’époque, en matière de moto, s’appelle, entre autres, BMW R 90 S, GOLDWING GL 1000 ou GUZZI California (voir « Le Coopérateur de France », numéro 741, du 20 octobre 1979). Les grandes chaussettes de laine rabattues sur le haut des bottes sont bien vues et le « bol », se porte encore couramment, à condition, toutefois, qu’il soit de marque « CROMWELL », les jeans bleus sont, bien sûr, de rigueur pour qui n’est pas en pantalon de cuir.
A l’époque on écoute, sur nos transistors, Supertramp, avec « Breakfast in America », et l’opéra-rock « Starmania ».
Patrick PONS remporte le Championnat 750 cm3 et devient ainsi le premier français champion du monde de courses de motos sur piste en bitume.
Coté politique c’est nul, mais coté ambiance c’est l’euphorie !
Le texte des banderoles, confectionnées en vitesse pour la manif’, est un peu naïvement « pipi-caca » car l’organisation (s’il y en a une...) ne maîtrise pas les outils de la communication moderne, mais le cœur y est ! Les revendications portent donc sur un point principal qui est l’instauration d’une vignette pour les motos. La vignette pour les automobiles avait été créée pour venir en aide aux personnes âgées. Il n’a échappé à personne que, de l’argent récolté, « les vieux n’en ont jamais vu la couleur ». Alors, une vignette pour les motos, vous pensez !
L’autre sujet de mécontentement est le nouveau permis. Le « A1 » ne permet plus que de conduire de 80 cm3 limité à 75 km/h. Pour s’intégrer dans la circulation on peut mieux faire !
En tête de manifestation on trouve, outre le meneur Riton, de sympathiques individus comme Pivert, Moustache, Popeye... Toujours ces pseudos si sympathiques et fédérateurs...
Une délégation est reçue par Jean Pierre SOISSON, maire de la ville, député de l’Yonne et ministre de la Jeunesse et des Sports (rien que cela !).
Pendant ce temps, à Paris, les motards ont rendez-vous sous la Tour Eiffel. Idée de génie car le monument est connu dans la France entière, il est bien visible pour les motards de Province qui ne connaissent pas Paris, l’esplanade du champ de mars peut accueillir en stationnement des milliers de moto et le site est autrement plus prestigieux que la place de la Nation, lieu de rassemblement traditionnel des manifestations de travailleurs. C’est osé de choisir ce lieu le plus emblématique de France ; on s’apercevra que, lorsqu’on est plusieurs milliers de motards à s’y rassembler, les forces de l’ordre ne peuvent pas nous en chasser.
Un certain Jean Marc, porte-parole autoproclamé de l’ADIM, se paie de culot et se trouve reçu, sans grand résultat d’ailleurs, à l’hôtel de ville de la Capitale. C’est un premier pas, mais un pas de géant pour lui...
Car ce 29 septembre 1979 est bien le jour de naissance « officieux » de la Fédération Française des Motards en Colère puisque ce Jean Marc n’est autre que J.M. MALDONADO qui portera sur ces épaules notre organisation pendant toutes ses années de jeunesse.
A l’initiative de Jean Marc, 4 mois plus tard, se tiendront, au Havre, les premières assises nationales du mouvement motard. Lors de ces assises, les 2 et 3 février 1980, il proposera (ou plutôt imposera, mais peu importe...), pour la première fois et pour déjà 30 années, l’appellation très peu contrôlée à l’époque, de « Fédération Française des Motards en Colère ». Ce sera la naissance « officielle » de la FFMC. On verra cela plus loin...